[Lecture linéaire n°14] – Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde (1990), Épilogue

Introduction :

Accroche/présentation de l’auteur et du recueil

Aujourd’hui, Jean-Luc Lagarce est reconnu comme l’un des auteurs majeurs du théâtre contemporain, bien qu’il n’ait pas connu un grand succès de son vivant. Il écrivait à une époque où les metteurs en scène étaient privilégiés et où les auteurs de théâtre étaient peu valorisés. Ce n’est qu’après sa mort prématurée en 1995 que la singularité de son écriture a été pleinement reconnue.

Juste la fin du monde, l’une des pièces les plus importantes de Jean-Luc Lagarce, a été écrite sur une période de plusieurs années, avec une première esquisse datant de 1983 et une forme définitive en 1990. Elle relate l’histoire du retour d’un fils, Louis, dans sa famille pour annoncer sa mort imminente.

Bien que la pièce s’inspire de la vie de Lagarce, qui était malade et issu d’un milieu social similaire à celui de Louis, elle ne peut être considérée comme strictement autobiographique, car il y a plusieurs différences entre les deux personnages.

Présentation de l’extrait : place dans l’œuvre, sujet, thèmes

L’épilogue est une section qui suit la fin de l’histoire et qui récapitule souvent l’intrigue et propose une perspective vers l’avenir.

Ici, l’épilogue met en lumière le départ de Louis, qui a été annoncé dès le début de la deuxième partie de l’histoire. Sa mort imminente est également évoquée dans le texte, ce qui suggère que la fin de l’intrigue est imminente. En somme, l’épilogue est un moyen important pour les auteurs de fournir des informations supplémentaires sur l’histoire et de préparer les lecteurs à la fin de l’histoire.

L’épilogue et le prologue d’une pièce de théâtre appartiennent à un espace-temps différent de l’intrigue principale. L’épilogue, qui clôt la pièce, est un monologue prononcé par Louis. Ce monologue est à la fois narratif, car il récapitule l’histoire, et réflexif, car il permet au personnage de réfléchir à ses actions et à l’avenir.

Problématique/enjeux du texte

L’épilogue ne remplit qu’en partie sa fonction traditionnelle : l’avenir de Louis est peu évoqué et le texte développe une analepse sans rapport avec l’intrigue, avec ce qui se passe dans la pièce. Ainsi, contrairement au drame traditionnel, l’intrigue ne semble pas bouclée.

Cette anecdote s’éloigne de l’intrigue, mais revêt une portée existentielle en lien avec ses enjeux fondamentaux : la solitude et la difficulté de s’exprimer.

Quel éclairage l’épilogue apporte-t-il quant aux enjeux de la pièce ?

Mouvements

  • Début à “tout au plus” : évocation du départ puis de la mort prochaine du personnage, en écho prologue.
  • “Une chose” à “le gravier” : évocation d’un souvenir ; durant une nuit d’été, dans le sud de la France, errance de Louis le long de la voie ferrée, et envie de crier qu’il réfrène.
  • Dernière ligne : une phrase de commentaire du personnage sur cette anecdote.

Conclusion :

Synthèse et réponse à la problématique

L’épilogue de cette pièce de théâtre ne suit pas la structure traditionnelle d’un épilogue. En effet, Louis y parle de son avenir qui est barré par la mort, et il y a également une rétrospection sur son passé. Cependant, cet épilogue s’intègre parfaitement aux enjeux de la pièce, telles que la solitude et la difficulté à communiquer. Le personnage de Louis exprime une forme de souffrance et de regret, car il n’a pas réussi à s’ouvrir à sa famille et à s’exprimer clairement. Malgré cela, il réussit à toucher le spectateur, ce qui renforce la portée émotionnelle de l’épilogue.

Ouverture

Ce texte fait écho au Prologue de la pièce de Lagarce dans laquelle Louis évoque encore sa mort prochaine.


Développement :

Mouvement 1 : évocation du départ puis de la mort prochaine du personnage, en écho au prologue
  • Évocation de la mort très prochaine de Louis dès le début du texte.
  • “Après” ➝ complément circonstanciel de temps qui tourne vers l’avenir.
  • “je meurs” ➝ verbe au présent : actualise cette mort prochaine.
  • Écho au prologue “plus tard, l’année d’après“.
  • Louis semble parler depuis l’au-delà ➝ maintien les spectateurs dans le flou.
  • “Je pars” ➝ assertion + “je ne reviens plus jamais” ➝ négation : fuite et départ définitif de Louis qui n’a pas réussi à parler.

Mouvement 2 : évocation d’un souvenir ; durant une nuit d’été, dans le sud de la France, errance de Louis le long de la voie ferrée, et envie de crier qu’il réfrène
  • “une chose” ➝ évocation vague.
  • “c’est l’été, c’est pendant des années ou je suis absent, c’est dans le Sud de la France” ➝ présentatifs : cadre spatio-temporel minimaliste.
  • “après j’en aurais fini” ➝ futur antérieur : s’adresse au lecteur/spectateur, s’excuse de rajouter un nouveau et dernier souvenir.
  • “que je raconte encore” ➝ assertion, présent de répétition.
  • “je” ➝ tout seul, monologue, insiste sur la solitude.
  • “parce que je me suis perdu, la nuit, dans la montagne” ➝ complément circonstanciel de cause : personnage errant.
  • “la nuit”, “la lune” ➝ cadre nocturne et impressionnant.
  • “aucun train n’y circule, je ne risque rien” ➝ double négation : sans dangers.
  • “me retrouverai” ➝ comment rentrer chez soi ? écho à l’intrigue : difficulté du retour.
  • “à égale distance du ciel et de la terre” ➝ métaphore : à égale distance de la vie et de la mort.
  • réflexion laborieuse, incertitude.
  • “c’est ce que je voudrais dire” ➝ conditionnel, pronom démonstratif : chose à distance de lui dont il aimerait se saisir.
  • “grand et beau”, “long et joyeux” ➝ adjectifs mélioratifs épithètes.
  • “qui raisonnerait dans toute la vallée” ➝ subordonnée relative de “cri”.
  • “cri” ➝ portée existentielle.
  • “mais je ne le fais pas, / je ne l’ai pas fait” ➝ négations totales au présent et au passé, polyptote : conclusion déceptive, cri n’a pas lieu.
  • “seul le bruit de mes pas sur le gravier” ➝ connotation sonore : souligne le silence Louis.

Mouvement 3 : une phrase de commentaire du personnage sur cette anecdote
  • “ce sont des oublis que celui-là que je regretterai” :
    • énigme au futur, futur paradoxal.
    • regrets éternels.