[Lecture linéaire n°11] – Pierre Corneille, Horace (1640)

Introduction :

Accroche/présentation de l’auteur et du recueil

Pierre Corneille est un auteur emblématique du théâtre classique du XVIIe siècle. Ce dernier renouvelle le genre tragique hérité de l’Antiquité.

Présentation de l’extrait : place dans l’œuvre, sujet, thèmes

Il s’agit d’une tragédie classique en cinq actes écrits en alexandrins, parue en 1640.

Corneille s’inspire d’un épisode de l’histoire romaine, la guerre entre Rome et Albe. Ces cités voisines décident de laisser s’affronter trois frères romains et albains, les Horaces et les Curiaces dans le but de mettre fin à leur conflit.

Cette scène est extraite de l’acte IV, scène 5, dans laquelle Horace, seul survivant du combat, annonce à sa sœur Camille qu’il a tué ses adversaires, les Curiaces. Cependant, le fiancé de Camille était l’un d’entre eux. Cette dernière refuse donc de se réjouir de la victoire de son frère et lui réclame le droit de pleurer son amant mort. Cette demande de Camille déclenche une violente dispute qui se termine par la mort de la jeune femme.

Problématique/enjeux du texte

Le passage en question est une scène de dialogue dramatique et conflictuel, qui représente un moment de crise importante. Elle met en opposition deux personnages de la même famille, chacun représentant des valeurs diamétralement opposées : d’un côté, Camille, qui défend les liens familiaux et affectifs, de l’autre, Horace, qui incarne l’héroïsme et le sens du devoir envers sa patrie.

Le dialogue est marqué par une montée en tension dramatique, soulignée par la répartition des rôles et la progression de la violence verbale : Camille exprime ses accusations de manière détaillée et avec de longues tirades, tandis qu’Horace répond de plus en plus brièvement. Finalement, la scène se termine par le geste tragique de fratricide commis par Horace.

Mouvements :

  • Début à “aux intérêts de Rome” : un face à face véhément entre frère et sœur, incarnation de valeurs opposées.
  • “Rome” à “plaisir” : la tirade imprécatoire de Camille, un appel à la destruction de Rome.
  • mettant l’épée” à la fin : des mots aux gestes : le meurtre de Camille.

Conclusion :

Synthèse et réponse à la problématique

Ce texte est une confrontation entre deux figures excessives et intransigeantes, deux sens du devoir qui s’opposent. D’un côté, l’honneur et l’attachement au devoir collectif et de l’autre l’attachement sentimental et conjugal.

Ouverture

On peut faire un rapprochement avec la confrontation entre Antoine et Louis, les deux frères dans la pièce Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce.


Développement :

Mouvement 1 : un face à face véhément entre frère et sœur, incarnations de valeurs opposées

La première tirade de Camille : une exposition de ses sentiments

  • “qui me défend les larmes” ➝ se rebelle contre l’interdiction.
  • “tu veux” ➝ adresse à la 2e personne : scène agonistique.
  • “Donne-moi”, ” Rends-moi” ➝ verbes impératifs, modalité injonctive : scène de confrontation.
  • “tigre altéré de sang”, “barbare” ➝ apostrophes : soulève l’inhumanité de Horace puis remet en cause son appartenance à Rome.
  • “un cœur comme le tien” ➝ Camille dit à Horace qu’il est un être insensible.
  • “Qui veux que dans sa mort je trouve encore des charmes” ➝ antithèse (“larmes”/”charmes”) : trouve un attrait à cette mort.
  • “Comme une Furie attachée à tes pas” ➝ comparaison : la Furie est un monstre fictif qui tourmente les criminels.
  • “flamme”/”âme” ➝ rime : image de la passion de Camille envers son amant.
  • “tu ne revois en moi qu’une Amante offensée” ➝ négation restrictive.
  • “Rends-moi mon Curiace, ou laisse ma agir ma flamme” ➝ propose à Horace une alternative impossible, celle de lui rendre Curiace mort.
  • “Je l’adorais vivant, et je le pleure mort” ➝ veuvage de Camille.
  • Camille formule une imprécation : elle veut la chute de Horace.
    • “brutalité”, “lâcheté” ➝ rime.
    • “Cette gloire si chère à ta brutalité” ➝ association de sa victoire à la brutalité : refus d’ennoblir la force de Horace.

La 1re réponse de Horace à cette tirade

  • “O Ciel” ➝ apostrophe + exclamative + tournure hyperbolique : sentiment d’indignation.
  • “Crois-tu donc que je sois insensible à l’outrage” ➝ menace implicite.
  • “mon sang” ➝ importance de la lignée et de la patrie pour Horace.
  • “ce que doit ta naissance aux intérêts de Rome” ➝ relative périphrastique.
  • “homme”/”Rome” ➝ rime : montre l’importance de la fidélité de Horace à sa patrie.
  • “cette mort”/”notre bonheur” ➝ antithèse : action et violence nécessaire selon Horace.

Mouvement 2 : la tirade imprécatoire de Camille, un appel à la destruction de Rome

2e tirade de Camille

  • 4 phrases exclamatives en début de tirade : colère extrême de Camille.
  • “Rome” ➝ apostrophe anaphorique au début des exclamatives.
    • “Rome, l’unique objet de mon ressentiment !”, “Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !” ➝ apposition.
    • “Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore” + “Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore” ➝ subordonnées relatives.
    • “Rome” = pronom relatif.
    • 2e personne = Horace.
    • Camille reproche à Horace sa passion démesurée pour Rome.
  • Rome et Curiace ne forment plus qu’un dans cette tirade, elle mêle une haine collective (envers Rome) à une haine personnelle (contre Horace). Inversion avec le discours d’Horace qui opposait la piété personnelle et le devoir collectif.
  • “puisse”, “puissé-je” ➝ verbes au subjonctif.
  • “saper”, “détruire”, “renverse” ➝ lexique de la destruction.
  • “puissé-je”, “moi seule” ➝ retour à la 1re personne : désir de vengeance personnelle.
  • “mourir de plaisir” ➝ oxymore hyperbolique.
  • “murailles”/”entrailles” ➝ rime : destructions intérieure et extérieure.
  • “Occident”, “Orient”, “les monts, les mers” ➝ monde entier.
  • “courroux du ciel”, “déluge de feux” ➝ menaces d’origine surnaturelle : destruction à la fois céleste et terrestre.
  • personnage enfermé dans sa fureur et ses visions.

Mouvement 3 : des mots aux gestes : le meurtre de Camille
  • action se précipite.
  • “C’est trop” ➝ présentatif : coup d’arrêt de Horace.
  • “mettant”, “poursuivant” ➝ verbes d’action dans la didascalie d’Horace.
  • “la raison” ➝ tuer sa sœur est une action raisonnable selon lui.
  • “Va dans les Enfers joindre ton Curiace” ➝ condamnation aux Enfers mythologiques, condamne sa sœur à la mort.
  • “blessée derrière le théâtre” ➝ didascalie : la mort de Camille respecte la règle de bienséance du théâtre classique.
  • “Ainsi reçoive un châtiment soudain / Quiconque ose pleurer un ennemi romain” ➝ morale finale avec effet de généralisation.